Conclure une rupture conventionnelle avec un salarié inapte : c’est possible !

Modifié le 28 mai 2024

Conclure une rupture conventionnelle avec un salarié inapte : c’est possible !

Par un arrêt attendu du 9 mai 2019 (n°17-28.767), la Cour de cassation se prononce enfin sur la possibilité de conclure une rupture conventionnelle avec un salarié déclaré inapte. Si elle avait déjà reconnu cette possibilité lorsque le salarié est en arrêt maladie pour accident du travail, tel n’était pas le cas une fois le salarié déclaré inapte par le médecin du travail.

Dans cet arrêt, la salariée avait été déclarée inapte à son poste à la suite d’un accident de travail. Elle avait alors signé une convention de rupture de son contrat de travail, convention qu’elle avait par la suite contestée en faisant valoir que ce mode de rupture contournait les obligations spécifiques d’ordre public qui s’imposent à l’employeur en cas d’inaptitude (recherche de reclassement sur un autre poste dans l’entreprise ou le groupe, consultation des délégués du personnel, respect de la procédure de licenciement et versement de l’indemnité spéciale de licenciement quand l’origine est professionnelle).

Ce raisonnement n’est toutefois pas retenu par la Cour de cassation. Pour elle, une rupture conventionnelle peut être valablement conclue avec un salarié déclaré inapte (ici, l’inaptitude était d’origine professionnelle, a fortiori, la solution est la même en cas d’inaptitude non professionnelle). Elle rappelle par ailleurs le principe général selon lequel une rupture conventionnelle ne peut être remise en cause qu’en cas de vice du consentement ou d’une fraude d’une des parties.

Voilà un arrêt qui élargit de nouveau le champ d’application de la rupture conventionnelle et qui permettra aux employeurs de s’affranchir des règles très strictes du licenciement pour inaptitude.

Reste cependant à savoir si l’indemnité de rupture conventionnelle doit au minimum être égale à l’indemnité spécifique de licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle (indemnité légale doublée). Rien n’est précisé mais il est fort à parier qu’un salarié n’acceptera pas une rupture conventionnelle s’il ne peut bénéficier, a minima, de cette indemnité spéciale.

Profitons de cette décision pour faire un point sur les cas où la rupture conventionnelle est possible ou non.

Il est toujours bon de rappeler que la rupture conventionnelle est un mode de rupture de contrat de travail à durée indéterminée, mais qui ne peut en aucun cas s’appliquer au contrat de travail à durée déterminée, ni au contrat de travail résultant des accords collectifs GPEC, ou encore de plan de sauvegarde de l’emploi.

Contrairement au licenciement, la rupture conventionnelle est possible pendant les périodes de suspension du contrat de travail. En effet, bien que la question de savoir si un contrat de travail peut être rompu dans certains cas particuliers (tel que pour les salariés en arrêt de travail ou pour toutes les périodes de protection établies par le Code du travail) se soit posée, la Cour de cassation s’est positionnée en faveur de la conclusion d’une rupture conventionnelle pendant les périodes de suspension du contrat de travail.

Dès lors, concernant le cas d’une salariée en congé maternité, la Cour de cassation a eu l’occasion de se prononcer, en précisant par un arrêt datant du 25 mars 2015 (n°14-10.149), que le contrat de travail d’une salariée en congé maternité pouvait être rompu conventionnellement tout en ajoutant que la rupture conventionnelle restait également possible pendant les quatre semaines suivant l’expiration de cette période.

Ensuite, la Cour est venue répondre à la question de savoir si la rupture conventionnelle du contrat du salarié en arrêt de travail à la suite d’un accident du travail ou à une maladie professionnelle était possible, par un arrêt en date du 30 septembre 2014 (n°13-16.297). Ainsi, la rupture conventionnelle peut être valablement conclue au cours de la période de suspension consécutive à un accident du travail, ou à une maladie professionnelle.

Cependant, il peut toujours être intéressant de préciser que la rupture conventionnelle du contrat de travail pendant la période d’essai, en vertu de la jurisprudence en vigueur, est nulle, c’est ce qu’a établi la Cour d’appel de Versailles par un arrêt rendu le 26 octobre 2016 (n°15-01412).

Pour le cas d’un salarié protégé, bénéficiant d'une protection contre le licenciement, il est tout à fait possible de rompre leur contrat conventionnellement à la différence près que des modalités distinctes doivent s’appliquer que nous détaillerons plus loin. Cela ne concerne pas uniquement les salariés titulaires d’un mandat, mais également d’autres salariés, tels que le médecin du travail, le lanceur d’alerte, le salarié qui a demandé la tenue des élections professionnelles et les candidats à celle-ci, ou encore les salariés mandatés par une organisation syndicale représentative pour une négociation collective.

Précisons toutefois que la Cour de cassation a estimé, dans un arrêt rendu le 30 septembre 2015 (n°14-17.748), que dans le cas où le salarié n'avait pas, au plus tard au moment de la rupture conventionnelle, informé l'employeur de son élection ou, le cas échéant, de sa réélection, ou établi que l'employeur avait été avisé de celle-ci par d'autres voies, il ne peut se prévaloir de la protection attachée à son mandat.

Ainsi, pour la plupart des cas de suspension du contrat de travail, la Cour de cassation estime que leur rupture est possible conventionnellement, mais toujours avec comme limite que la rupture conventionnelle n’ait pas été établie avec une fraude ou un vice du consentement.

Toutefois, afin que la rupture conventionnelle soit valable, il faut également respecter sa procédure.

La rupture conventionnelle s’analyse en différentes étapes :

  • l’entretien et la signature du formulaire de rupture,

  • le délai de rétractation

  • et l’homologation.

Tout d’abord un entretien doit être mis en place, il s’agit d’une réunion obligatoire entre l’employeur et le salarié, pendant lequel ils définiront les modalités de la rupture, comme la date de fin de contrat, l’indemnité versée par l’employeur... Aucun formalisme n’est imposé, mais par souci de preuve, il est préférable d’établir un écrit.

Contrairement à l’entretien préalable de licenciement, aucune discussion sur les causes de rupture n’a à être engagée par les parties.

Lors de cet entretien, le salarié pourra faire le choix de se faire assister de différentes manières selon la présence d’un CSE ou non. En sa présence, le salarié pourra être représenté par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise, qu'il s'agisse d'un salarié titulaire d'un mandat syndical ou d'un salarié membre du CSE ou tout autre salarié. Dans le cas contraire, le salarié peut être assisté par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative.

Quant à l’employeur, il pourra se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise si l’entreprise dispose d’au moins 50 salariés. Il pourra l’être également par une personne appartenant à son organisation syndicale d'employeurs ou par un autre employeur relevant de la même branche. Cependant, il ne pourra être assisté si le salarié ne l’est pas.

Si les parties ont réussi à trouver un accord, elles signent un formulaire CERFA spécifique, formulaire différent selon que le salarié est un salarié protégé ou non.

Débute ensuite la phase de rétractation, où chacune des parties dispose d’un délai de 15 jours calendaires à compter du lendemain de la signature de la convention pour revenir sur son consentement en se rétractant et refuser ainsi la rupture conventionnelle. Une fois ce délai passé, les parties ne peuvent plus revenir sur leur signature.

A compter du lendemain de la fin du délai de rétractation, la partie la plus diligente doit transférer la convention de rupture à la DREETS, qui décidera de son homologation.

La DREETS dispose d’un délai de 15 jours ouvrables pour prendre sa décision. En cas de défaut de réponse dans ce délai, l’homologation est acquise, et la rupture conventionnelle est complète. Si la DREETS refuse l’homologation, la convention ne sera pas rompue, mais il sera possible pour les parties de formaliser une nouvelle demande de rupture conventionnelle.

Concernant les salariés protégés, les phases et les délais à respecter sont identiques, à la différence qu’il ne s’agit pas d’une homologation mais d’une acceptation. La partie la plus diligente devra transmettre la convention de rupture à l’inspection du travail, qui décidera de son application dans un délai de 2 mois. Contrairement au salarié non protégé, le silence de l’inspection du travail vaut ici refus.

Le cabinet Nework Avocats est à votre disposition pour vous accompagner dans la mise en place ou la négociation d’une rupture conventionnelle. N’hésitez pas à nous contacter.

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